Karima, coiffeuse à Paris, a rejoint la Protection Civile afin de partager son métier et coiffer les personnes sans abris dans la rue.
On voit la misère, on la côtoie... Il y a ceux qui choisissent de détourner le regard et ceux qui choisissent d'essayer d'embellir un petit peu le décor.
Je pense que je fais partie des gens qui veulent embellir un peu le décor.
Je me suis lancée à faire des coupes de cheveux dans la rue grâce à un client, bénévole à la Protection Civile, qui m'a un jour proposé de le faire bénévolement, et l'idée m'a plue.
Je me suis alors engagée à la Protection Civile Paris Seine, et je me suis formée aux maraudes. C'était nécessaire pour intervenir en toute sécurité.
Ainsi, j'ai démarré, ça a matché et j'ai continué. On intervient toujours en petit groupe et en soirée ; nous avons des habitudes, nous connaissons les personnes, cela nous permet de tisser des liens.
Je suis dans la rue comme je suis tous les jours avec mes clients; je suis au service des personnes sans abri de la même manière. Je ne les vois pas différemment.
Toucher quelqu'un ce n'est pas anodin; ils me laissent le faire et ça, c'est un vrai rapport de confiance. Surtout, pour quelqu'un qui vit dehors, je pense que ce n'est pas évident pour eux de se laisser toucher. Et ils le font. Nous sommes dans une vraie relation de confiance, avec de vrais liens.... d'amitié.
On se raconte un peu nos vies, on est presque comme des amis.
Au fil du temps, on apprend à se connaître, certains prennent même rendez-vous et on se voit régulièrement, ce qui crée de vraies relations entre nous.
A chaque fois, on échange, on prend des nouvelles, on s'intéresse. On rigole. Ils recoivent de l'amour, de la considération.
C'est ce lien qui fait du bien. Et la coupe de cheveux est la cerise sur le gâteau. Ca leur permet de se sentir propre, et d'être mieux face au regard des autres.
Ainsi, le regard qu'ils portent sur eux est peut-être un peu moins dur, et c'est important pour eux, ça leur permet de se sentir digne.
Son métier, il faut s'en servir pour troquer, pour apporter du bonheur. C'est vraiment pour moi, une satisfaction d'être là, de vraiment réaliser quelque chose. Je ne sais pas comment l'exprimer, mais c'est comme apporter sa pierre à l'édifice. On contribue au bien-être des autres. Ça a toujours fait partie de mon éducation d'aider les personnes dans le besoin, et je suis heureuse de le faire.
On reçoit beaucoup de joie, de bonne humeur, de compliments.
C'est un échange de bons procédés, comme une sorte de fluide, ça fait du bien de savoir que les gens sont heureux. Ils nous disent que grâce à nous ils se sentent plus propres, que les gens les regardent d'une autre façon.
Après une soirée comme celle-là on se dit que c'est tellement sympa, tellement agréable de faire plaisir qu'on a envie de recommencer, c'est cela qui m'anime et qui me donne l'envie de continuer à le faire réguliérement.
Quand je débute une coupe, je suis dans mon univers, dans ma bulle et c'est seulement quand je termine que mes collègues me disent "mais tu n'as pas vu le nombre de personnes qui ont souri, qui lèvent le pouce."
Ils contribuent un petit peu à ce moment de bonheur. Peut-être qu'ils se disent pourquoi pas moi.