Stéphan et Sandra ont choisi de construire leur maison dans un éco-hameau, situé dans le Tarn-et-Garonne, et ainsi changer leur mode de vie.

Pendant un tour du monde en sac à dos nous avons découvert, en Australie, la construction d’habitations en botte de paille. En rentrant, notre objectif était de construire notre maison en suivant ce schéma.

Nous n’avions pas encore connaissance du projet de l’éco-hameau de Verfeil. Nous l’avons découvert en nous intéressant à la construction écologique en France, en nous inscrivant à des associations et de fil en aiguille, nous sommes tombés dessus dans un magazine écologique.

Le projet a été mené par une association de toulousains dans les années 2000, dont l’objectif était de construire des éco-hameaux pour répondre aux problématiques actuelles des lotissements classiques en milieu rural.

Un éco-hameau s’intègre au territoire, il y a une réflexion liée à l’écologie et il donne du sens au lotissement.

L’éco-hameau de Verfeil a connu un parcours qui n’a pas manqué d’obstacles, de surprises mais aussi de belles satisfactions.

Pour que le projet soit accepté, il a fallu prospecter auprès des mairies et avoir ainsi un accompagnement. L’association a reçu une réponse favorable, en 2004, de la mairie de Verfeil.

C’est à ce moment que nous en avons entendu parler.

Une fois le projet accepté, l’association devait trouver un terrain et monter une SARL pour pouvoir déposer un permis de lotir. Un agriculteur possédant un espace de 3 hectares dans le Tarn-et-Garonne a accepté de nous le vendre. Première satisfaction mais les problèmes ont commencé à ce moment.

Plusieurs voisins, du village, n’étaient pas d’accord à la suite de cet achat et de ce que  nous voulions en faire. Beaucoup de rumeurs au sujet de l’éco-hameau circulaient, transformant les raisons de notre objectif.

Les plaintes contre celui-ci sont arrivées et nous sommes allés devant le tribunal administratif pour régler cette affaire. La conception a donc été ralentie et aurait pu ne jamais voir le jour. 


La bataille juridique a duré 5 ans.

En 2008, les initiateurs du projet se sont découragés et ont préféré passer la main.

Alors, les futurs habitants ont repris cette main : c’est devenu une aventure collective. Nous nous sommes rassemblés et grâce à cet élan de détermination nous avons déboursé 30 000€ chacun pour continuer cette bataille.

Le fait de réfléchir ensemble s’est fait naturellement et c’est devenu à ce jour une gouvernance collective.

Nous gardions espoir.

Nous avons pu bénéficier du travail d’un avocat et du soutien de la mairie de Verfeil.

En 2013, la carte communale a été effective et les opposants n’avaient plus d’arguments. L’opposition en justice est tombée et le projet a pu enfin se concrétiser. 

Nous avons racheté le terrain en 2009, réalisé la viabilisation entre 2010 et 2013, déposé les permis de construire des futures maisons de 2013 à aujourd’hui…

Une fois que le projet n’était plus un projet mais une réalisation, beaucoup se sont rendu compte que nous étions des gens comme tout le monde ce qui a fait tomber les rumeurs.

Mais, pourquoi nous nous sommes engagés dans ce projet ?

Après, ce parcours du combattant pour maintenir ce projet en vie, en 2014, nous avons finalement pu entrer les premiers dans le lotissement. Petit à petit, sont arrivés les premiers habitants.

Aujourd’hui nous remarquons une grande différence dans notre mode de vie.

Ça nous amène à une réflexion sur la société, sur les rapports humains, les bouleversements qui prennent de plus en plus d’ampleur et qui questionnent nos modes de vie.

La construction (en botte de paille)  et l’ambition écologique des habitations ont engendré une évolution de notre quotidien : nous utilisons seulement des toilettes sèches permettant d’économiser de l’eau potable, nous récupérons l’eau de pluie pour notre jardin et notre consommation, nous pratiquons le covoiturage…

À l’avenir nous aimerions élargir nos actions sur notre consommation d’eau avec potentiellement la construction d’un puits, planter plus d’arbres et bien plus encore.

Pour bien vivre ensemble, nous privilégions la sociocratie et la gestion collective.

Notre rapport aux voisins a changé en vivant ainsi : on se situe entre la famille et les amis.

Nous avons un intérêt commun à faire ensemble : vergers, permaculture, phytoépuration collective, parking collectif, cercles de parole…. Le partage de ces espaces communs renforce nos liens.

Sandra : Il est important pour moi d’appuyer le fait que le collectif est un véritable investissement, qui peut être chronophage. Ça nous demande beaucoup d’énergie, de temps, de capacité d’adaptation mais tous les efforts dans ces domaines sont positifs à la fois pour l’individu et pour le collectif.

Je pense qu’il est difficile d’imaginer s’investir dans un collectif de vie en travaillant à temps complet à l’extérieur, car le partage des tâches pour l’éco-hameau prend du temps. Ce n’est pas forcément compatible avec certains parcours professionnels. 

Il faut de la disponibilité d’esprit. Les choses vont plus lentement, les décisions sont parfois plus longues car nous avons un mode de décisions concerté.

C’est une aventure passionnante qui ne s’arrête jamais et où l’on apprend grâce aux autres.

En 10-15 ans, nous avons rencontré beaucoup de personnes nous apportant énormément.

Actuellement, il y a 11 familles, soit 16 adultes et 12 enfants. Certaines sont parties, d’autres sont arrivées. Français, belges, canadiens… Cette diversité est une force, ça nous permet de découvrir des modes de vie différents, des pratiques différentes, des sujets inconnus, etc.

Sandra : Le vivre ensemble m’a appris et m’apprend encore qui je suis, dans le cadre du collectif. Auparavant, je n’ai jamais aimé le conflit et je m’arrangeais toujours pour ne pas y entrer. Le collectif m’a permis de l’accepter et m’a invité à me positionner, à gérer ces moments nécessaires; tout peut se dire, on peut ne pas être d’accord, s’écouter permet de trouver des solutions ensemble.

Nous avons des valeurs communes : partage, communication non violente, entraide, ouverture d’esprit… mais à un moment celles-ci ont une signification qui peut être différente selon les personnes.

Dans le domaine de l’action on se rend compte qu’on est différents même si l’on adhère aux mêmes idées. Le fait de s’en rendre compte permet de changer d’avis ou d’accepter les idées des autres.

Nos enfants apprennent à vivre ensemble dès le plus jeune âge, l’éco-hameau leur apporte une grande ouverture d’esprit mais aussi de l’autonomie. Ils observent la façon dont les parents fonctionnent, notamment avec le cercle de parole. Lorsqu’ils jouent entre eux et qu’ils rencontrent un problème, ils prennent le temps de noter et d’échanger pour le régler tout en s’écoutant.

Les résultats positifs d’un éco-hameau sont donc flagrants.

Faire découvrir son changement de vie à des personnes intéressées est formidable.

Nous organisons régulièrement des portes ouvertes, des chantiers participatifs, des stages de découverte pour permettre des échanges. On explique d’où nous sommes partis, ce qu’on a fait, où nous en sommes et nos futurs projets…

Sandra : Entre les portes ouvertes d’il y a 10 ans et celles d’aujourd’hui, mon discours a évolué. Car je change, j’évolue au fil des années, j’ai un autre regard sur ce qui est important et ce qui ne l’est pas.

Ces rencontres sont pour nous la possibilité de dire qu’on peut vivre ensemble plus sainement sans se ruiner.

Les regards changent sur ces initiatives

Les médias de masse ont tendance à en parler sous des angles un peu particuliers mais aujourd’hui ça intéresse de plus en plus.

La preuve, autour de chez nous, il y a maintenant entre 4 et 5 projets similaires en train de se monter. Les gens prennent conscience des bénéfices multiples : à la fois pour eux, pour la planète et pour les autres.

Ces dernières années, nous avons remarqué une augmentation de l’exode urbain, le covid en a été un accélérateur. Le retour en zone rurale aboutit au bien-être personnel mais il ne faut pas oublier le bien être de la planète et les éco-hameaux sont une des réponses pour repenser notre mode de vie. 

C’est un bout de chemin à prendre, on y découvre que des belles choses.

Il ne faut pas se laisser dire que ce n’est pas possible, car tout est possible ! 

Dans notre cas, nous n’avons rien lâché et nous n’avons aucun regret.

Je pense qu’il faut oser, tenter, et même s’il y a des difficultés, il y a plein de choses satisfaisantes.