Après avoir passé 12 ans en CDI dans un grand groupe maritime qui fait du transport de matériel, entrecoupé de missions humanitaires comme logisticienne, dans des pays en guerre avec Médecins Sans Frontières, organisation médicale humanitaire internationale, j’ai décidé de quitter définitivement mon emploi en janvier 2020.

Je voulais trouver l’activité qui allait me permettre de m’épanouir totalement, d’être pleinement moi-même aujourd’hui.

Ce fut comme le rejet d’une prison mentale. J’avais besoin d’une pause pour chercher au fond de moi… cela faisait 2 ans déjà que je cherchais et je ne trouvais pas…

Cette décision, a été longuement mûrie. En quittant mon emploi, je me suis sentie libérée, plus libre pour imaginer la suite. Un basculement radical et nécessaire pour laisser de la place à autre chose, de plus profond, de plus intime, de plus en accord avec moi-même.

Et un beau projet de création d’entreprise est venu à moi. C’est comme l’accouchement d’un rêve longtemps enfoui en moi, qu’il était temps de faire sortir. Étant originaire de Madagascar, c’est la vanille de mon pays qui m’a parlé naturellement !

Importer cette vanille, travailler de manière respectueuse avec des producteurs locaux, proposer une vanille de qualité, à des prix raisonnables et abordables pour tous, et être cheffe d’entreprise, c’était ça que j’avais en moi ! Et cela a pu venir parce que je me suis donné le temps de mûrir mon rêve et que j’ai décidé de tourner une page définitivement.

Alors que tout commençait à prendre forme dans ma tête, le Covid-19 est arrivé et très vite le premier confinement s’en est suivi. J’avais une mission humanitaire de prévue à l’étranger, elle a été maintenue. Je suis partie malgré tout en avril 2020, pour 6 mois en République Centrafricaine.

Un pays grand comme la France et la Belgique réunies, avec une population estimée à environ 5 millions de personnes. Un magnifique pays avec beaucoup de potentialité, mais malheureusement qui vit une crise militaire interminable depuis plusieurs années.

Ce fut ma plus grosse mission, la plus dure et la plus belle humainement parlant.

Je devais gérer le matériel pour 13 bases, avec une trentaine de tonnes à approvisionner chaque mois. Le tout dans un pays en guerre civile. En Centrafrique, une journée équivaut à 3 jours de travail de bureau en Europe, donc pas de tout repos ! Et puis avec le Covid, on ne savait jamais à quoi s’attendre, de quoi serait fait le lendemain.

Malgré tout le travail que me demandait cette mission, j’ai trouvé là-bas le temps de faire mûrir mon projet d’entreprise, de préparer les démarches administratives, de tester des clients potentiels avec des envois de mails…

En parlant de mon projet autour de moi, j’ai reçu beaucoup d’avis favorables et encourageants ! Parler de mon projet et recevoir ces avis positifs m’a permis de me rassurer, me conforter…

Certains proches amis qui sont directeurs et chefs d’entreprise ont pu me donner des conseils, me guider sur les premières étapes à suivre.

Pour les démarches administratives, j’ai réussi à avoir tous les renseignements en détail sur internet, sur le site “Lecoin des entrepreneurs”. A chaque moment libre j’étudiais une rubrique, statut à choisir, fiscalité, jusqu’à la création d’un bilan prévisionnel...etc. 

De retour en France en septembre, tout s’est accéléré ; en octobre la société a été créée et en novembre j’ai démarré ! Ce fut comme l’arrivée d’un bébé, 9 mois après avoir quitté mon ancien job !

Aujourd’hui, avec ce gros changement dans ma vie, je me sens moi-même, c’est  passionnant.

Je suis au chômage pour 2 ans, en tant que créatrice d’entreprise, le temps de démarrer.

Avec la crise du Covid, je démarre doucement, je prends des contacts, je démarche des clients cibles selon mon business modèle, et j’ai déjà eu mes premières commandes : des Pâtissiers, Chocolatiers, Glaciers et des particuliers.

Cette activité, je peux l’exercer à distance, et j’ai l’expérience de la logistique, des livraisons… Mes compétences passées me servent bien sûr.

Ce qui m’a aidé à me lancer malgré le covid vient sûrement de mon histoire, mon expérience…

Je suis arrivée en France à l’âge de 19 ans avec un niveau d’études de CM2 sans parler la langue française. De plus, mon pays est l’un des plus pauvres au monde.

J’ai construit toute ma vie par défi à chaque étape, que ça soit pour les études ou pour le travail. Je n’ai jamais eu peur d’échouer.

Selon moi lorsque l’on met toute son énergie dans un projet, on ne regrette rien, peu importe le résultat qui en ressortira. L’idée est de réaliser ce que l’on a envie, de faire, et y mettre le maximum de nous-même.

Ma mission humanitaire en République Centrafricaine m’a aussi beaucoup apporté.

Tout d’abord, cela m’a montré qu’après avoir quitté mon ancien emploi, je me suis sentie vraiment libre, ce qui m’a permis d’explorer toutes mes capacités professionnelles et accomplir la mission pour laquelle je m’étais engagée.

Je me suis sentie vraiment en phase avec mon engagement humanitaire, chose que je n’avais jamais ressentie ainsi pendant mes deux précédentes missions.

Je me suis découverte, je me suis sentie en confiance pour chaque action que je menais, et c’est grâce à cet état que j’ai pu me sentir relancée dans ma vie. Cela m’a permis de créer mon projet.

Chaque jour je me suis sentie remotivée et j’ai pu voir mes capacités intellectuelles doubler ou tripler. Les idées ont germé au fur et à mesure que les jours passaient à Bangui, la ville capitale où j’étais basée.

Une ville remplie d’histoire et riche à la fois malgré la guerre qui y sévit. J’ai également eu l’occasion d’aller dans une petite ville où MSF intervient, une ville de 30 000 habitants dont 25 000 déplacés.

Cette visite m’a beaucoup touchée personnellement, voir ces gens qui n’ont d’autres choix que de quitter leur village pour survivre. Cela m’a donné une force de constater que j’ai beaucoup de chance de pouvoir désormais choisir ma vie selon mes envies.

Mon engagement avec MSF m’a beaucoup apporté tant professionnellement que personnellement. Cela m’a appris l’humilité, la connaissance des vraies valeurs humaines, l’importance de l’entraide et m’a permis de toujours garder les pieds sur terre.

A chaque retour de mission, j’avais une impression de renaître et revenais chargée d’oxygène humain, comme une piqûre de rappel qui boostait mon énergie. MSF m‘a également appris à manager des équipes avec respect en toute circonstance.

Médecins Sans Frontières est une vraie école de la vie. J’encourage d’ailleurs chacun à partir au moins une fois dans sa vie en mission humanitaire.

J’ai évidemment rencontré des difficultés dès le début de l'activité étant donné que la France a eu son deuxième confinement en novembre 2020.

Malgré ces moments d’incertitude, j’ai été toujours convaincue que j’avais fait le bon choix, c’est ce qui m’a permis de poursuivre cette activité jusqu’à ce jour et d’avoir des résultats.

Avoir la foi en ce qu’on entreprend aide beaucoup pour la continuité d’un projet, cela nous donne des forces insoupçonnées que l’on a en nous.

Ce que j’aime c’est toucher à tout et surtout les relations humaines.

Je viens d’un pays où les relations humaines priment avant tout, ce qui me donne envie d’aller à la rencontre de mes clients ; j’essaie toujours de me déplacer quand cela est possible selon la distance et pour certains, le travail à distance est aussi possible et cela fonctionne très bien mais j’ai toujours planifié de les rencontrer dès que possible. Mes compétences en commerce et en transport facilitent beaucoup le développement de mon entreprise.

Ma nouvelle activité me permet d’avoir un lien permanent avec mes racines qui m’ont beaucoup manquées ces dernières années.

Je suis heureuse d’être en France depuis ces 23 années mais j’ai toujours senti que quelque chose me manquait. Cette activité me donne également l’opportunité de travailler en direct avec mon pays.

Le projet que j’ai lancé a été une opportunité de faire de moi une autre personne, ou ma vraie personne, plus sereine et épanouie.

Comme j’ai toujours besoin de faire des choses variées, d’avoir un agenda toujours rempli, j’ai en parallèle une activité en auto-entrepreneur d’agent immobilier, que je pratique pour le plaisir depuis 5 ans, car j’aime la pierre.

Ca n’aurait pas été une activité à 100% car elle est très concurrentielle et que je ne suis pas compétitrice. Avoir quelques biens, pouvoir les vendre, faire des rencontres et bien sûr en tirer un revenu complémentaire me satisfait. Car les missions à l’étranger sont certes passionnantes mais assez compliquées à vivre dans le long terme et m’empêcheraient d’avoir une vraie stabilité dans la vie personnelle.

Pour le moment je me concentre sur mon activité avec la vanille.

Refaire des missions n’est pas exclu, étant donné la passion que j’ai pour cet engagement humain. De plus, on peut partir à n’importe quel âge, même en pré-retraite ou après, tant qu’on a de l’énergie à donner aux autres, donc cela reviendra peut-être. Pour l’heure, j'aimerais aujourd’hui avoir un peu de stabilité dans ma vie.

Mon conseil à des personnes qui cherchent un projet et ne le trouve pas, est celui-ci :

Il faut écouter ce que vous avez au fond de vous et essayer de le laisser sortir. Mettre sur papier et laisser émerger sans forcer, car tout doit se faire d’une manière naturelle.

Parfois on a peur de sortir de sa zone de confort dans laquelle on est habitué à vivre, quelque chose de juste suffisant pour le moment, tout en rêvant une autre vie. Sauf que le temps passe très vite et notre vie n’est pas renouvelable.

Il ne faut pas avoir peur de sauter dans le vide car aller vers l’inconnu nous fait souvent découvrir des très belles surprises, offertes par la vie. Faire confiance en la vie en fait.

Quand on cherche bien ce qu’il y a au fond de nous, c’est comme ouvrir la boîte de pandore, il y a une richesse infinie et la force extraordinaire qui sommeille en chacun de nous, il suffit juste de laisser faire les choses en suivant son instinct.

On pose parfois trop de questions autour de nous, à des personnes extérieures, alors que toutes les réponses sont déjà en nous, il suffit juste d’écouter cette petite voix dans notre tête et la suivre.