Philippe découvre qu’il a un sarcome. Deux ans de sa vie pour traverser cette épreuve et en sortir avec une vie redevenue presque comme avant.

Hiver 2017. Mon genou me fait souffrir depuis plusieurs mois, mais je ne m’en suis pas inquiété. Il est rouge et chaud. Nous partons au ski et là-bas, après une chute, je ressens une gène et cela m’empêche de skier. Je consulte un médecin sur place qui me conseille d’arrêter de skier, je n’ai aucune lésion osseuse, ligamentaire ni articulaire mais doit consulter en rentrant. Je suis ses conseils et de retour chez moi, nous décidons avec ma femme, de consulter un chirurgien de confiance à Paris, le même médecin qui a opéré notre fils de l’épaule.

Je suis inquiet, mais je ne peux m’imaginer ce qui va suivre.

Après différents examens dont IRM, biopsie, il me reçoit et m’annonce la maladie. C’est un cancer, et la particularité est que cela fait une poche sur mon genou, et qu’il ne faut surtout pas la percer si le liquide contenu dans la tumeur se répand c’est la mort sous 6 mois. Il va falloir opérer, la retirer sans la percer. Une opération sensible et risquée.

L’annonce de la maladie est pour moi un effondrement, comme un coup de poing dans la figure.

Ma famille, mes proches sont tristes et effondrés aussi. Je ressens de l’injustice, pourquoi cela m’arrive-t-il ? Mes amis sont également catastrophés. C’est un énorme coup et il me faudra des semaines pour accepter ce qui m’arrive.

Je me fais opérer et l’opération se passe bien. J’ai beaucoup de chance car la poche n’a pas été percée ; il a fallu retirer un morceau de fémur, du muscle et le nerf saphène. Les douleurs sont terribles et j’ai perdu la sensibilité en bas de ma jambe. Je dois rester au repos, la reconstruction musculaire et sanguine va être longue et nécessite ni tabac ni alcool ; ce sera difficile à respecter, car chez nous les occasions de trinquer ne manquent pas et à chaque visite on propose une boisson. Je respecte le protocole car j’ai bien assimilé le fait que j’avais la chance d’être encore en vie. Malgré une plaque et des vis pour soulager mon fémur diminué, l’os ne se refait pas et je fais une fracture de faiblesse nécessitant une position le plus possible allongée ou au repos.

J’ai du mal à accepter d’être atteint d’un cancer, accepter les douleurs, accepter le handicap, 10 mois avec béquilles, au final 17 mois sans travailler, moi qui était "hyper actif".

C'est difficile d’accepter de ne plus être comme avant, plus faible physiquement, avec souvent l’angoisse de me faire mal, difficile d’accepter l’immobilisme et la solitude. Je me retrouve seul à la maison, moi qui travaillais en 2/8 et qui était très actif, avec des activités régulières de bricolage, sport, et fêtes avec des amis. Les journées sont longues sans occupation, ma femme travaille, mes fils aussi. Je les vois le soir et le week-end. La fatigue arrive vite.

Les suites opératoires sont très difficiles avec des hauts et des bas surtout au début.

Je n'ai pas de chimiothérapie mais cette fracture de faiblesse et surtout des signes neurologiques tels que fourmis, décharges électriques, raideurs musculaires...

Je peux partir en vacances d’été en famille avec mes béquilles. Ces vacances sont bénéfiques pour nous tous : je retrouve une vie presque normale, bien entouré de ma femme et mes fils. J'ai quelques difficultés pour la plage avec les béquilles dans le sable, je me baigne malgré tout, avec un gilet de sauvetage et c'est plein de bonheur avec un séjour sur un voilier ou j’ai repris toute mon autonomie sans aide du fait de l’espace restreint.

Ce qui m’a aidé dans ce parcours, c’est déjà que j’ai eu la chance de ne pas être tombé sur un médecin qui aurait fait une ponction ou ouvert sans avoir fait tous les examens et vu qu’il s’agissait de ce type de cancer. Le fait que l’opération ce soit bien passée a été une vraie victoire, et une première étape.

Puis, chaque fois que j’avais des résultats d’analyses positifs, cela m’a encouragé.

Lorsque je suis allé en centre de rééducation, les soignants et les patients ont contribué à m’aider sur mon parcours. Voir d’autres patients dans des situations plus graves que moi m’a permis de me dire que j’avais de la chance. Le soutien de ma famille, de mes proches a été très important, surtout pour le moral. Ma femme, mes fils, ma belle-sœur qui travaille dans un hôpital, tous ont été très présents. L’un de mes fils qui devait partir faire des études au Canada, a décidé de rester faire ses études ici, pour être là.

Ma famille, mes amis, mes collègues, mon patron ont été d’un grand soutien.

L’arrêt de la consommation d’alcool pour la reconstruction de ma jambe, et aller de l’avant en rééducation, m’ont permis d’aller mieux physiquement, progressivement sans pour autant me priver. Pour garder le moral, j’ai beaucoup pleuré, seul, cela m’a permis de me libérer ; et puis rire en collectivité, déconner. Cela faisait partie de ma vie avant et ça a continué. Ne pas perdre une occasion de rire. Ca fait du bien. Je me disais aussi qu’il ne fallait pas réfléchir et m’occuper l’esprit.

Petit à petit, en 2 ans j’ai pu reprendre des activités, des loisirs, une vie presque normale, danser, faire de la moto. J’ai repris l’habitude de trinquer avec mes amis mais peut être plus modérément. Je prends plus de temps pour moi, je ne me force plus à faire des choses qui ne sont pas en accord avec ce que je ressens qui est juste pour moi, je prends plus le temps de vivre et je me repose plus souvent.

Maintenant, je vois la vie autrement, je ne veux plus m’embêter de petits soucis, j’aide un peu moins les gens qui ne me sont pas proches.

Dans cette aventure, j’ai aimé qu’on s’occupe de moi, je me suis rendu compte que mon entourage n’était pas égoïste, m’appréciait ; qu’il y avait beaucoup d’humanisme dans tout ce qui s’est passé.

J’ai découvert que j’étais très fort dans ma tête, capable de ne « rien lâcher », que l’on m’aimait, qu’il y avait des médecins humbles et humains. Certes il nous faut la compétence médicale mais aussi des liens sociaux et familiaux très forts ; moi cela m’a permis de traverser cette épreuve. Je n’ai pas de conseil à donner, chacun vit sa maladie à sa façon, on peut aider en en parlant, en racontant son histoire, mais c’est au malade de faire son chemin.

Une parole et la plus belle qu’il me soit resté d’une handicapée motrice au centre de rééducation : qu'est-ce qu'elle est belle ta cicatrice !