J’ai travaillé pendant 15 ans dans le secteur de l’emploi, membre du comité de direction d’un acteur mondial de l’intérim. En 2011, j’ai découvert que j’avais un cancer du sein. Je l’ai annoncé à mon patron une heure après l’avoir annoncé à mon mari parce que j’avais confiance en lui et que ma parole était libérée sur ce sujet.

J’ai passé 3 semaines à rencontrer toutes les personnes avec qui je travaillais pour leur annoncer que l’on m’avait diagnostiqué un cancer et que j’allais m’absenter de longs mois.

A l’issue des traitements, avec l’aide de mon mari, très contributeur, et parce que j’étais très sollicitée par des DRH démunis et confrontés à des situations de maladies croissantes, j’ai pris la décision de quitter mon travail et de dédier tout mon temps pendant 3 ans à la création de cancer@work.

Je gagnais moins mais étais en train d’investir dans un sujet de société. J’ai compris à l’occasion de cette expérience de vie douloureuse, la chance d’être en France et de bénéficier du système de santé performant gratuitement.

Je suis maman de 3 enfants, à l’époque de 10, 8 et 6 ans. Je n’ai pas eu à me poser la question contrairement à mes voisins américains : est-ce que je vends ma maison pour me soigner ou est-ce que je renonce à me soigner pour que ma famille garde un toit au-dessus de la tête ?

Cet héritage précieux que l’on a en France avec notre système de santé, il faut le préserver pour nos enfants et mieux l’utiliser.

J’ai donc passé du temps dans des salles d'attente des médecins à discuter avec d’autres personnes malades sur le retour au travail après une maladie. Cancer@Work est né des sollicitations de ces personnes demandant de l’aide pour les accompagner dans ce retour à la vie active.

À ce moment, il n’existait aucune solution pour accompagner les employeurs ni en France ni ailleurs dans le monde.

Pourtant autour de nous, il y a toujours eu un grand nombre de personnes malades et pas seulement du cancer.

On estime à 15% le nombre d'actifs touchés par une affection de longue durée en 2018 et en 2025, cela dervrait représenter 1 actif sur 4.

J’ai créé Cancer@work en 2012, un an après l'annonce de mon cancer. C'est une association loi de 1901, devenue 1er Club d’entreprises dédié au sujet de la maladie. En 1 mois, il y a eu une dizaine de sollicitations.

Cancer@Work œuvre au quotidien à changer le regard de la société et de l'entreprise sur les malades. Ainsi, au travers de ses actions et celles de ses membres, elle permet à tous (malade, aidant proche, manager opérationnel, collègue, service des ressources humaines, de santé au travail, dirigeants…) de mieux vivre le cancer et les maladies chroniques au travail.

C’est une plateforme d’échanges et de partage sur l’intégration de la maladie en entreprise ainsi qu'un incubateur de projets d’innovation économique et sociale. Nous n’avons pas vocation à faire à la place des entreprises. Notre objectif est de les rendre autonomes et indépendantes sur le sujet de la maladie au travail.

Nathalie, directrice générale de cancer@work :

La première partie de ma vie professionnelle, je l’ai passée dans les mutuelles d’assurance et la 2ème partie en direction d’association. C’est très naturellement qu’Anne-Sophie m’a partagé ce projet que je me suis engagée à participer au développement de cancer@work répondant à l’ensemble de mes anciens postes et à l’intérêt général qui me berce depuis le début de ma carrière.

On ne s’ennuie jamais.

Je rencontre des interlocuteurs différents sur le même sujet mais à chaque fois avec une approche différente. Il y a cette volonté de faire évoluer le sujet de manière très humble, étape par étape car on fait énormément mais tout n’est pas parfait.

C’est pourquoi, il est important de comprendre les attentes.

En 2013, nous avons mis au point un baromètre pour avoir les connaissances sur le sujet d’une meilleure conciliation entre la maladie et le travail afin de bâtir un plan d’action adapté.

Nous nous sommes rendu compte que 80% des actifs n’osaient pas prononcer le mot « cancer » en entreprise. C’est le reflet de la société, le cancer était tabou et l’est encore. Aujourd’hui, nous sommes passés de 80% à 50%, c’est mieux mais c’est encore beaucoup.

Le travail de cancer@work ne cesse de s’accélérer et nous sommes prêts à accueillir toutes les entreprises.

Grâce aux résultats que l’on obtient, je sais pourquoi je me lève chaque matin. Lorsqu’une entreprise nous rejoint, c’est parfois rapide, c’est parfois plus long mais il y a derrière tout ça une volonté de libérer la parole sur la maladie.

Nous sommes ravies que l’association se développe.

En 11 ans, il y a plus d’une centaine d’entreprises partenaires, c’est peu… Il y a encore beaucoup à faire quel que soit le statut de l’entreprise, privé ou public, mais aussi pour les travailleurs indépendants et libéraux.

Nous avons mis au point le Label Cancer@Work pour mesurer et valoriser l’engagement et les bonnes pratiques des organisations pour concilier maladie et travail. Il a été créé à l’initiative de nos membres pour disposer d’un outil de mesure permettant d’évaluer et de valoriser leurs actions et bonnes pratiques.

Pour permettre à cette conciliation d’être durable dans le temps, les entreprises membres du club peuvent partager et échanger, entre elles sur notre plateforme, au sujet de la maladie au travail pour faire évoluer les choses de façon autonome et ensemble.

À l’avenir, le meilleur des scénarios serait de ne plus exister. Que le sujet soit rentré dans les consciences, que ce ne soit plus tabou, que l’on sage agir et donc que l’on n’ait plus besoin d’intervenir.

Anne-Sophie Tuszynski : Ce projet est la continuité de ce que j’ai toujours fait et ce par quoi j’ai toujours été passionnée : les projets d’entreprise, mais avec un sens supplémentaire. C’est un mariage heureux entre projet de vie et projet professionnel.

Avec cancer@work, je donne un sens à cette expérience de vie. Le fait de se dire « ce que j’en fais est utile au plus grand nombre » a une visée thérapeutique pour moi.

Au fil du temps, je gagne en bien-être et en équilibre.

Bien sûr, parfois je suis frustrée que ça n’aille pas plus vite, car on espère que d’autres entreprises s’engagent comme en France ou à l’international où le sujet n’est pas encore pris en considération.

Les salariés sont aussi acteurs du changement de leur entreprise, ils ont tous le pouvoir de faire remonter l’information à leur patron, et bien plus s'ils le sentent.

La maladie m’a apporté l’audace d’entreprendre.

Si vous hésitez à vous lancer dans un projet, n’attendez pas comme moi d’avoir 39 ans et un cancer pour oser. Le sujet vous semble utile pour vous, pour les autres ou pour les deux, alors allez-y !

www.canceratwork.com/