J’anime des cafés philo en prison et en EHPAD depuis environ une quinzaine d'années.
C'est lors d'un café philo en ville à Compiègne qu'une conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation qui y participait a eu l'idée de créer un café philo dans la maison d'arrêt de Compiègne.
Ainsi, en 2012, le centre pénitentiaire de Liancourt nous a sollicité pour créer un café philo et parallèlement un café philo voyait le jour dans l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes à Fournier-Sarlovèze de Compiègne.
Devant le succès de cette activité "culturelle" pour les personnes mises sous main de justice, nous avons ensuite été contactés deux ans plus tard pour créer, sous l’égide de la protection judiciaire de la jeunesse, un nouveau café philo pour les mineurs incarcérés dans le quartier mineurs de l’établissement de Liancourt.
Dans les Hauts de France, nous animons des cafés philos aux centres pénitentiaire de Beauvais, Laon et Liancourt, une à deux fois par mois chez les personnes détenues adultes hommes, femmes et mineurs.
Notre association, Les petits socratiques, a été créée en septembre 2004, mais l’un de ses fondateurs, Henri-François Zech, animait déjà des cafés philo depuis 1999 dans différentes villes de France notamment au café restaurant « Le bouchon » à Compiègne, qui fut le siège social de l’association. Il était professeur de philosophie.
L’association « Les petits socratiques » propose une fois par mois une animation autour d'un thème choisi par un bénévole dit “présentateur”.
Le présentateur propose la lecture d'un texte pendant une dizaine de minutes, et fixe le cadre de la discussion. Un animateur permet le bon déroulement du café philo en réglant les temps de parole et en recentrant, éventuellement, la discussion autour du thème du jour. Un café philo dure généralement une heure et demie.
Le but de l’association est de créer des rencontres à caractère philosophique et l’objectif des cafés philo est donc de permettre à tous ceux qui y participent de faire un pas de plus vers leur liberté.
L'esprit critique et la liberté de penser n'est pas un don mais s'acquiert en passant du "on" au "je". Pour sortir du "on", il faut des rencontres avec l'autre, le plus souvent un humain, physiquement ou par l'intermédiaire d'un livre, mais cela peut être également une situation, un évènement.
La découverte de l'autre est d'abord un ébranlement car la remise en question est souvent forte, voire violente. L'autre nous fait nous sortir de nous-même pour revenir plus fort et plus riche et nous pouvons alors assumer le "je". Dire" je", c'est assumer ce que l'on est, ses propos, ses actes. Dire "je", c'est être libéré d'une pensée inconsciente qui peut être le fruit d'une manipulation. Et, par respect pour l'interlocuteur, il devient fondamental de dire qui est ce "je" qui parle et d'où il vient.
Chacun est libre de prendre la parole et nous reprenons à notre compte la formule célèbre de Baruch SPINOZA : "ne pas se moquer, ne pas juger mais comprendre."
Bien sûr, même si parfois l'intitulé est le même, un café philo en ville n'a pas tout à fait les mêmes objectifs opérationnels qu'en prison. En ville, les participants aiment la philosophie, ont suivi des cours de philosophie au lycée, et la philosophie qui y est pratiquée est plutôt théorique. En prison, chez les adultes, les participants sont très divers, il est alors nécessaire de se mettre à la portée de l'auditoire et de créer une dynamique s'appuyant sur la culture de tous pour que chacun profite au mieux de la rencontre. Chez les mineurs qui, pour leur écrasante majorité ont quitté l'école durant leur scolarité au collège, la lecture du texte est remplacée, quand le thème s'y prête, par une série de questionnements en essayant d'imiter, avec beaucoup de modestie et d'humilité, la maïeutique de Socrate.
Ce qui est peut-être encore plus important que la philo, c'est de dire aux personnes détenues qu'elles ne sont pas totalement exclues de la société. Les rencontrer c'est faire vivre concrètement la devise de notre République : Liberté-Egalité-Fraternité.
Liberté : chacun est libre de dire ce qu'il veut. Nous sommes des bénévoles et nous ne rendons aucun compte à l'administration pénitentiaire. Le café philo est certainement la seule activité culturelle proposée aux personnes détenues dans laquelle la parole est libre.
Égalité : Nous apportons de quoi faire chauffer un peu d'eau pour partager un café ou un thé. Partager le café, c'est faire tomber toutes les barrières et c'est tendre la main pour donner un peu de chaleur et d'amitié.
Fraternité : Nous ne voulons pas savoir pourquoi nos interlocuteurs sont incarcérés. Nous voulons rencontrer des femmes, des hommes et des jeunes gens pour que le lien entre eux et la société ne soit pas définitivement rompu. Nous espérons ainsi les aider à lutter contre la récidive et les soutenir dans leur action de réinsertion dans la société.
La recherche du bonheur est un "marronnier" en philosophie.
Je ne suis pas un théoricien de la philosophie et pour moi, la philosophie est d'abord un outil me permettant de trouver ma place dans la société et de donner un sens à ma modeste vie.
Je constate tout simplement que de voir des gens heureux me rend également heureux. Les hurlements de joie de fans de football quand leur équipe marque un but, les cris d'émotion le jour de l'affichage des résultats du baccalauréat, etc. me rendent heureux. Et si j'ai la chance de participer à cet apport de bonheur à l'autre, mon bonheur n'est plus seulement un état de grande émotion, mon bonheur a un sens et éclaire mon chemin de vie.
Les sourires sont pour nous, bénévoles, notre salaire.
Quand nous sortons de prison, après un café philo, nous sommes heureux, tout simplement, d'avoir passé un moment avec des personnes que nous n'aurions jamais rencontrées autrement, qui ont pu se libérer quelques dizaines de minutes de leur quotidien.
Exister, c'est être au dehors, c'est être perçu, aperçu de l'autre. On n'existe que par le regard de l'autre. Le café philo permet aux personnes que nous rencontrons d'exister un peu plus.
Pour participer à des cafés philo, il n’est pas nécessaire d’être professeur de philosophie, par exemple dans notre association nous avons différents profils : cafetier, professeur de technologie industrielle, formateur en bureautique, psychologue, responsable d’entreprise, infirmière, responsable de crèches enfantines, etc.
Alors si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas !
Si vous souhaitez rejoindre notre association, contactez le secrétariat à l’adresse électronique suivante : les.petits.socratiques@orange.fr et pour tout savoir sur nos activités en ville, en EHPAD ou en milieu carcéral, consultez notre site internet https://les-petits-socratiques.fr/
Et si vous souhaitez créer un café philo, n’hésitez pas à nous consulter !