Le cancer du sein, histoire familiale qui touche les femmes de ma famille a été pour moi l’occasion d’un parcours de transformation et de révélation.
En 2015 j’étais sous traitement (chimiothérapie/radiothérapie), puis j’ai dû céder ma boutique, j’ai perdu ma maman, je me suis séparée, nous avons vendu notre maison, notre cocon…
J’ai eu besoin de me réorienter et de me diriger vers un métier qui ait du sens.
Je suis alors tombée sur un article de presse traitant de la reconstruction des aréoles par le tatouage. Et là, je me suis dit « c’est exactement ça que je veux faire ! »
Je faisais de la peinture depuis de nombreuses années. Les bases en dessin étaient là. Il me restait à apprendre le tatouage.
J’ai voulu tout d’abord comprendre ce qu’était la dermopigmentation, acte actuellement réalisé dans les hôpitaux pour reconstruire la plaque aréolo mamelonnaire, et j’ai donc suivi un stage dans le laboratoire français qui fournit les hôpitaux en pigments.
Mais les pigments utilisés s’effacent dans le temps, ce qui permet, difficilement, aux patientes de tourner la page… En parallèle, l’absence de geste artistique ne permet pas d’offrir un résultat convaincant pour ces femmes déjà meurtries par les opérations et les traitements.
Il me fallait impérativement apprendre le tatouage traditionnel. Après les tests d’entrée réussis, j’ai intégré l’EFT (Ecole française de tatouage). Traçage, ombrage, remplissage, entrainement sur peaux de cochon, jusqu’aux tatouages sur des « cobayes ». Fleurs, serpent, tête de mort, vague tribale, animaux… mais pas d’aréoles.
Cette formation n’existant pas en France, je suis donc allée me spécialiser aux Etats-Unis.
Je suis allée à New York, pour les aréoles mammaires et réaliser mon premier tatouage « pour de vrai » sur une femme ayant eu une double mastectomie, mais aussi à Chicago, auprès d’un tatoueur spécialisé dans les tatouages décoratifs sur les femmes souhaitant recouvrir leurs cicatrices après une ablation mammaire (avec ou sans reconstruction). Ce dernier a développé une technique de tatouage moins blessante pour tatouer sur les tissus cicatriciels.
De retour en France, j’ai cherché mon cabinet, réalisé les travaux, un lieu que j’ai souhaité chaleureux pour cette dernière étape de la reconstruction.
Mais l’entreprenariat n’est pas un long fleuve tranquille et les travaux ont été finis… juste la veille du premier confinement !
Je ne me suis pas découragée. J’ai travaillé sur mon site internet, les réseaux sociaux, j’ai contacté des chirurgiens, pour me faire connaître.
Et puis j’ai eu la chance de rencontrer deux chirurgiens à l’Institut du sein, qui après un test m’ont proposé de tatouer chez eux une fois par semaine.
Une chance incroyable pour moi qui aime le travail d’équipe et le partage !
De par mon cancer et mon vécu, je tisse naturellement un lien de confiance et d’empathie avec mes patientes. Souvent, elles me posent des questions sur mon parcours, ma guérison… Cela rend le partage sincère et chaleureux.
Le plus beau moment : les voir se découvrir dans le miroir après le tatouage…
Je me sens vraiment à ma place en faisant cela aujourd’hui, j’ai vraiment trouvé ce qui fait sens pour moi. On pourrait appeler cela une vocation.
Dès le début de ma démarche de reconversion, étonnamment, je n’ai jamais douté qu’il y avait un besoin et une attente énorme d’aider les femmes à BIEN se reconstruire. Les épreuves sont terribles pour ces femmes mutilées. Elles méritent tellement mieux que ce qui est actuellement réalisé.
J’ai 52 ans aujourd’hui, et je pense qu’il n’est jamais trop tard pour se remettre en question, aller vers ce qui nous plait.
Pour moi, il y a vraiment eu un avant et un après cancer. Je vois la vie différemment et je considère les incidents de parcours comme des occasions de se poser, de réfléchir.
Dans mon cas, la maladie a été un déclencheur. Grâce à elle, je fais aujourd’hui une activité passion, j’ai changé de vie et je ne suis plus la même je crois. J’ai aussi fait de très belles rencontres….
Mes conseils pour celles et ceux qui voudraient changer de vie professionnelle :
Se poser, s’écouter, suivre ses intuitions, ne jamais renoncer, se faire confiance, ne pas baisser les bras (même si parfois tout se met en travers de la route), croire en un monde meilleur, donner, partager, se faire plaisir et aller jusqu’au bout de ses rêves !